Monday, May 2, 2016

Interview avec Soeur Gisela Harth



Sr. Gisela Harth with some MSOLA novices in 2008

Sr. Gisela est allemande, actuellement elle habite dans la communauté de Köln-Klettenberg II. Elle visite les malades, donne du soutien scolaire et participe au partage de foi.

Nathalie Sedogo : Réfléchis sur toute ton expérience avec la congrégation SMNDA. Rappelle-toi un moment où tu t’es sentie très vivante, très participante, spirituellement touchée, ou le plus enthousiasmée par ton engagement. Raconte-moi cette expérience mémorable que tu as eue avec les SMNDA.

Gisela : Il m’était difficile de choisir une expérience, parce qu’il y en avaient tellement. Après réflexion, j’ai balancé entre deux : Le chapitre général de 1981, où nous avons réécrit nos constitutions et la rédaction de la brochure pour le centenaire de l’arrivée des SMNDA au Burkina. Finalement, je me suis décidée pour ce dernier événement parce que je n’ai jamais été aussi fière d’être SMNDA que pendant la rédaction de cette brochure.

C’était en 2010 que le comité pour la préparation du Centenaire m’avait confié la tâche de rédiger une petite brochure. Cette brochure devait tracer l’histoire des SMNDA au Burkina depuis l’arrivée des premières sœurs en 1912 et présenter en même temps ce que les Sœurs y faisaient actuellement. J’étais bien préparée pour ce travail car j’avais travaillé dans ce pays depuis 1967 (avec quelques interruptions). J’avais surtout travaillé pour la formation des 3 plus grandes congrégations locales. Et comme j’avais passé 15 ans dans le conseil provincial de la province d’Afrique Occidentale, je connaissais beaucoup de détails des autres apostolats des Sœurs du Burkina. J’avais moi-même vécu presque la moitié de cette histoire centenaire.

J’ai commencé modestement. Je pensais à quelques pages seulement. Mais au fur et à mesure que j’avançais, mon intérêt grandissais et se changeait en enthousiasme. Mes sœurs aussi m’encourageaient à ajouter de nouveaux aspects et finalement c’est devenu une brochure de 38 pages. C’était un gros travail, d’abord de recherche, de collection de textes et de photos, puis de rédaction et de mise en page. Comme je faisais ce travail à côté de mes activités au noviciat et des sessions données au dehors, je devais m’organiser pour trouver le temps. Tout était prêt en octobre 2011.

Nathalie :  Qu’est-ce qui en fait une expérience passionnante?

Gisela : Tout au long de ce travail qui a duré à peu près une année, j’ai découvert ce que les SMNDA ont vécu depuis 1912, comment elles ont vécu, combien elles ont été, ensemble avec les Missionnaires d’Afrique, à l’origine de l’Eglise locale et à l’origine de beaucoup d’institutions importantes et encore existantes. J’ai compris notre charisme d’une façon plus concrète et vivante car j’ai pu admirer les éléments de ce charisme dans la vie des Sœurs qui ont œuvré en Haute-Volta et au Burkina avant et avec moi : leur dévouement et engagement total pour la Mission du Christ; leur simplicité et je dirais même pauvreté de vie; leur grande disponibilité et mobilité, basé sur l’obéissance; leur collaboration avec les Missionnaires d’Afrique qui supposait souvent l’effacement ì; leur souci de rendre les laïcs capables et de former des formateurs et multiplicateurs ; leur engagement pour les droits et la promotion des femmes; leur souci pour les pauvres, les handicapés et autres exclus; leur capacité d’être des initiatrices, comme notre Fondateur l’avait conseillé; leur témoignage donné en vivant dans des communautés interculturelles, respectant les cultures du pays et les religions non chrétiennes. Ce qui m’a le plus touchée, c’était de voir l’œuvre de Dieu, car c’est très visible que c’est Lui qui a agi à travers les missionnaires, c’est Lui qui a suscité la foi des chrétiens du Burkina et fortifié leur Eglise. Les SMNDA ont laissé vivre et agir le Christ en elles. Une autre chose, qui a rendu cette expérience passionnante pour moi : En rédigeant l’histoire des SMNDA au Burkina, j’ai vu ma propre histoire à l’intérieur et en lien avec une histoire plus grande. Ce que j’ai fait au Burkina était une participation dans la continuité et a gagné à mes yeux plus de valeur et un autre sens.

Nathalie : Qui était impliqué ?

Gisela : Toutes les SMNDA, qui ont travaillé au Burkina depuis 1912, étaient impliquées, car il s’agissait de leur histoire. Les Missionnaires d’Afrique aussi étaient impliqués et dans un certain sens tout le peuple Burkinabé et surtout les chrétiens. Pour la rédaction de la brochure, je n’étais pas seule. L’ archiviste de la congrégation m’a aidée en m’envoyant des documents et le comité de préparation m’a donné des conseils pour le contenu et pour le plan. Une Sœur française déjà retournée en France définitivement, a corrigé tous les textes pour l’orthographe. Une Sœur de ma communauté m’a montré comment on fait la mise en page avec l’ordinateur. Quant aux textes historiques, je pouvais me baser sur une petite brochure sortie 25 ans avant, à l’occasion du 75ème anniversaire de l’arrivée des SMNDA au Burkina. Les jeunes Sœurs Burkinabé et toutes les Sœurs travaillant au Burkina à ce moment-là m’ont envoyé quelque chose sur leur apostolat et une photo. C’était donc à la fois une expérience personnelle et de congrégation.

Nathalie : Comment ta tu t’es senti ?

Gisela : Au début, je me suis sentie intéressée, mais peu à peu l’intérêt a changé en enthousiasme. J’ai senti que ce travail me passionnait. Il y avait d’autres sentiments : l’admiration des sœurs, la joie d’avoir contribué à la réussite de notre engagement, la fierté d’être membre de la congrégation. Il y avait aussi des sentiments spirituels, surtout joie et consolation, admiration de l’action de Dieu.

Nathalie : Qu’est que tu as fait suite à l’expérience ?

Gisela : J’avais le grand désir, que beaucoup de chrétiens du Burkina lisent cette brochure. Non pas parce que c’était moi qui l’avais rédigée. Mais je voulais que les chrétiens connaissent les merveilles que Dieu avait faites pour eux et aussi que la congrégation soit mieux connue. Ces deux buts étaient missionnaires.

J’ai donc insisté auprès du comité de préparation qu’on imprime assez d’exemplaires et que le prix soit aussi bas que possible. Il ne fallait pas essayer de gagner de l’argent avec cette brochure. Ensuite, j’ai motivé Sœurs et novices de la présenter aux gens de telle façon qu’ils avaient envie de l’acheter et de la lire. Je l’ai présentée moi-même plusieurs fois. Je me rappelle cette Messe du samedi soir à la cathédrale de Bobo, où nous sommes allées à trois, habillées en ancienne Sœurs Blanches et où nous avons vendu une trentaine d’exemplaires. Quelques jours après, j’ai rencontré un médecin qui me racontait qu’il avait acheté une brochure et qu’il l’avait « dévorée ». J’étais heureuse de l’entendre, autant plus qu’il ne savait pas que c’était moi qui l’avais rédigée. Une fois j’ai lu toute la brochure à la radio « Etoile de Noël » de Bobo. J’ai envoyé la brochure à toutes les SMNDA Burkinabé et aux anciennes du Burkina.

Nathalie : Et maintenant, quelles sont les choses que tu apprécies profondément au sujet des SMNDA ?  

Gisela : Ce que j’apprécie beaucoup maintenant, après être rentrée définitivement en Allemagne, c’est que la congrégation permet aux sœurs âgées de vivre leur vocation jusqu’au bout et qu’elle insiste sur le fait que notre Mission est une et que la contribution d’une sœur âgée est aussi importante que celle d’une sœur en plein apostolat. Nous sommes cinq en communauté entre 74 et 91 ans. Notre projet communautaire est : « Nous voulons regarder nos limites comme des chances et nous laisser guider par elles pour grandir dans notre vocation avec la Force du Ressuscité. » À notre âge, nos limites se manifestent de plus en plus : Nous voyons mal ou entendons mal, nos forces diminuent et nous ne pouvons plus faire « grand-chose ». Nos limites nous dirigent vers plus de profondeur. Nous avons plus de temps pour prier, pour nourrir notre foi, pour soigner notre être. Nous ne sommes plus en Afrique, mais nous pouvons élargir notre horizon et porter la misère du monde dans notre conscience et notre prière. L’expérience de notre faiblesse nous montre que nous avons besoin des autres et surtout de nos sœurs et qu’il est nécessaire de bâtir une communauté unie et ouverte. Donc nous pouvons rester SMNDA et même grandir dans cette vocation. La congrégation nous donne tout ce qui est nécessaire pour cela, aussi bien la sécurité matérielle que l’animation, l’inspiration et l’information indispensables

Nathalie : Quand tu te sens le mieux en tant que SMNDA, qu’est-ce que tu apprécies en toi-même ?

Gisela : J’ai la chance que je peux encore faire de petites choses à l’extérieur : soutien scolaire, visites de personnes âgées dans la paroisse, prêcher à l’occasion d’un séjour dans ma paroisse etc. J’ai toujours le désir en moi, de partager ma foi en Jésus Christ. Ce désir était à l’origine de ma vocation et il n’a pas diminué au cours des années, au contraire, il a grandi. Il y a un deuxième désir, qui est venu par mon expérience de l’Afrique. Je veux faire connaître et apprécier l’Afrique et ses valeurs. Ce désir est devenu un réflexe, il monte tout seul, c’est quelque chose que j’ai maintenant « dans le sang ». Parce que j’aime l’Afrique. Je pourrais résumer en disant que ce que j’apprécie en moi-même quand je me sens SMNDA, c’est l’Amour du Christ et l’amour de l’Afrique.

Nathalie : Quelle est la contribution la plus importante que les SMNDA ont apportée à ta vie ?

Gisela : Les SMNDA m’ont permis de vivre ma vocation, c’est à dire ma consécration pour la Mission du Christ. En vivant ma vocation ensemble avec d’autres SMNDA, ma foi s’est fortifiée.

Nathalie : D’après toi, quelle est la valeur fondamentale des SMNDA ?

Gisela : Pour moi, la valeur fondamentale des SMNDA, c’est notre charisme. Nous sommes des religieuses missionnaires, nous sommes consacrées pour la Mission de Jésus-Christ auprès des Africains.

Nathalie : Quelles sont les valeurs qui donnent vie à ta congrégation ?

Gisela : Elles sont nombreuses, je mentionne seulement quelques unes :

  • L’amour ardent de Jésus-Christ de chaque Sœur.
  • La responsabilité personnelle de chacune.
  • Nous vivons des aspects essentiels de la spiritualité ignacienne. (Tout à tous ; obéissance…)
  • Nous sommes toutes et toujours invitées à quitter nos appartenances provisoires pour nous enraciner dans des peuples et cultures qui ne sont pas les nôtres. (disponibilité ; citoyenneté planétaire)
  • Nous vivons en communautés interculturelles. (ouverture, unité dans les différences, témoignage …)
  • Nous nous engageons au service de la justice, de la réconciliation, de la non-violence, de la sauvegarde de la Création. (zèle apostolique; miséricorde, …)
  • Nous sommes initiatrices et voulons rendre les personnes capables et missionnaires à leur tour. (effacement ; mobilité …) 


Nathalie : Qu’est-ce qui, si cela n’existait pas, rendrait la congrégation totalement différente de ce qu’elle est actuellement ?

Gisela : Je crois, que c’est notre charisme. (La spécificité de l’Afrique en fait partie.)

Nathalie : Qu’apprécies-tu le plus chez les SMNDA aujourd’hui ?

Gisela : J’apprécie que les SMNDA d’aujourd’hui ont le souci de rester fidèle à leur charisme, tout en l’adaptant au temps : Elles voient le positif de la mondialisation, se servent des moyens de communication, relèvent les défis de notre temps (Justice et Paix, Sauvegarde de la Création, réfugiés et migrants, esclavages nouveaux etc. Elles tiennent compte de la nouvelle compréhension de la Mission…..).

J’apprécie en particulier que la spécificité africaine soit maintenue et qu’elle soit inscrite dans une vision élargie de la Mission.

J’apprécie que des jeunes femmes de différents pays de l’Afrique nous joignent.

J’apprécie que la congrégation fasse tout ce qu’elle peut pour une bonne formation des membres.

J’apprécie que grâce à une bonne gestion les finances de la congrégation sont saines.

Nathalie : Que veux-tu qu’on améliore ?

Gisela : Nous sommes des religieuses missionnaires. Les deux éléments sont à tenir en équilibre. Il me semble, que l’accent est parfois trop sur l’apostolat et sur les activités au détriment de la Vie religieuse, la vie spirituelle. La congrégation (et chaque communauté) doit veiller à ce que la Mission soit vécue avec assez de profondeur, donc en union profonde à Jésus et à son Esprit.

La vie communautaire de beaucoup de communautés manque aussi de profondeur et n’est pas toujours vécue au niveau de la foi et avec assez d’amour. Chacune peux contribuer à l’amélioration.

Nos communautés en Afrique sont très dispersées. Dans deux tiers des pays africains, où nous sommes présentes, nous n’avons qu’une seule communauté. Cela ne facilite pas la tâche des responsables ni l’inspiration mutuelle des sœurs. Je crois qu’il y a là quelque chose à améliorer.

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